PortraitsSaison 5

Réfléchir sur l’interreligieux pour créer des amitiés

Portrait

On vous emmène à la rencontre de Elias à Guadalajara ! “C’est une vieille âme dans un corps bien jeune”, voilà les mots de notre hôte engagée dans l’interreligieux pour le décrire. Elias, c’est une figure incontournable de l’interreligieux au Mexique et dans le monde, avec un regard critique imbattable. Auteur de presque 5 essais différents, il ne cesse de s’interroger sur les spiritualités, de chercher des ponts avec la justice sociale et de réfléchir les relations entre les personnes de différentes croyances.

“Je me considère catholique mais j’ai connu beaucoup de traditions différentes à travers l’interconvictionnel et ça m’a conduit à évoluer.” Élevé au sein d’une famille catholique, Elias s’intéresse très tôt à l’histoire et aux religions. À 13 ans par exemple, il décide de lire le Coran. À la fin du lycée, il se tourne vers le bouddhisme. Après 3 ans de pratique, il ressent un manque de sens et retrouve sa foi chrétienne. Alors qu’il désire garder une pratique de la méditation bouddhique, son accompagnateur spirituel lui conseille de participer à des activités interconvictionnelles. Passionné par la philosophie et les sciences sociales, il se spécialise dans l’étude de l’interconvictionnel et de la mystique en Espagne. En 2020, Elias étudie 1 an à Oaxaca à Unitierra dans une communauté autochtone. Si le Covid l’a fait revenir à Guadalajara, où il enseigne la diversité religieuse et le rôle des religions dans 2 universités, il compte bien y retourner bientôt ! Le CV d’engagement interconvictionnel de Elias est impressionnant et l’a amené à beaucoup voyager. Déjà en contact avec l’équipe 3 d’InterFaith Tour, il a été un guide précieux pendant notre étape mexicaine. La profondeur de son propos nous a beaucoup touchées et continue de nous faire cogiter !

“Je pense que l’interconvictionnel est un espace pour créer du lien, c’est un endroit où je me suis fait des ami·es. Notre génération est plus ouverte d’esprit mais on est aussi en recherche de sens. Si on va profondément dans chaque tradition spirituelle, on peut retrouver les sagesses ancestrales, l’interconvictionnel doit aider à ça. Pour moi, c’est un chemin spirituel.”

Réflexions

“Je suis aussi critique que j’aime l’interconvictionnel. On a peur des différences et trop besoin de trouver le commun. Pour moi, le but, ce n’est pas de créer des ponts mais d’habiter les no man’s land entre nous.” Le recul critique d’Elias nous a toutes bousculées. Il remet en question beaucoup des concepts qui sont pensés comme des socles du vivre ensemble. La religion ? Une notion occidentale et récente. Au Mexique, beaucoup de peuples autochtones avaient des systèmes économiques, sociaux, culturels et religieux entremêlés. D’après Elias, c’est avec l’avènement de la société de marché qu’il y a eu une division de ces sphères et que la religion en tant que concept est née. “L’interconvictionnel n’est pas être tant focalisé sur les religions que sur les différentes manières de comprendre le monde et la vie.” Elias dénonce les dérives possibles de l’interreligieux comme l’usage exclusif de l’anglais dans les congrès internationaux ou la création d’un narratif commun unique, comme si se créait une nouvelle religion. Pour lui, il faut dépasser le partage de bonnes pratiques et penser l’interconvictionnel. “Je ne suis pas dans les processus de paix mais plutôt dans les processus de non-violence.”
Le philosophe reconnaît que la violence fait partie de la vie mais qu’il faut essayer d’en être conscient et d’utiliser cette énergie dans une démarche constructive.
Et la paix ? Elias ne définit par la paix comme tout le monde. Il nous explique que dans certaines communautés autochtones, il n’y a pas de mot pour “paix” car il n’y a pas de mot pour “guerre”. Par exemple, les Zapotèques utilisent le mot “amitié” pour y faire référence. Il reprend alors cette définition et nous dit que pour lui la paix, c’est l’amitié, la “communalité”, la possibilité d’être proches ensemble, c’est-à-dire au sens hébreu de shalom et arabe de salam.

Actions

Comment résumer les nombreuses activités d’Elias au sein de l’interreligieux ? Investi aussi bien à Guadalajara dans l’association Carpe Diem Interfé, secrétaire de Fraternidad Interspiritual, qu’auprès du Grupo Interreligioso Alimentario (GIRA), dans le réseau North American Interfaith Network (NAIN), au au sein de United Religions Initiative (URI), il met son expérience et ses compétences au service de nombreuses initiatives au Mexique.

“L’objectif de Carpe Diem Interfé est abstrait, ce que je trouve intéressant : créer des amitiés, avoir un espace à partager. Ce qui nous a permis de faire beaucoup de choses différentes.” Avec l’équipe de Carpe Diem Interfé, il a coordonné l’une des plus grandes rencontres interreligieuses en 2015 à Guadalajara avec plus de 6 000 personnes de toutes convictions et religions. Pour lui, tous les rassemblements interreligieux doivent inclure toutes les populations et traditions dites autochtones. À une autre échelle, il met en place des “micro-dialogues” à 2/3 personnes sur des sujets spécifiques, comme l’économie sociale et solidaire, les danses autochtones, la violence, la migration ou les médecines alternatives, afin de permettre des échanges plus profonds et intimistes.

Si beaucoup d’initiatives sont en pause avec la crise sanitaire et qu’il n’est plus impliqué directement dans une structure, Elias profite de la période pour réfléchir en théorie et en pratique à d’autres moyens pour vivre ensemble autrement. Son conseil :

“Pour avoir une relation authentique, il faut beaucoup de choses qui relèvent de la pratique spirituelle : comme être ouvert à des choses que tu ne comprends pas, combattre son ego. Ce n’est pas de la diplomatie ou de la politique.”

Face à tant d’actions, chapeau bas Elias !

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